Royal Fragrance

Notre optique de séléction

Notre optique de séléction n’a cessé d’évoluer au fil des années. Je pense que les priorités évoluent en fonction de l’avancement de l’éleveur dans son travail, mais aussi en fonction des connaissances acquises par l’éleveur au cours de ses formations, et enfin grâce aux expériences vécues par l’éleveur. J’ai souhaité partager avec vous cette évolution dans mes projets, ainsi que mes priorités actuelles en terme de séléction !

La séléction sur le physique …

C’est le premier objectif que j’ai eu en démarrant l’élevage : faire naître de beaux chiens. Beaucoup de clients me disent que la première image qu’ils ont eu d’un lévrier est un chien tout frêle, fragile, avec le dos bossu, tout maigre. Ce type de whippet existe, on continue à en voir dans la rue parfois, mais ne correspond plus à la vision actuelle de la race et au standard actuel.

Alors lorsque j’ai débuté, j’ai cherché rapidement à m’orienter vers un chien que je trouvais élégant, équilibré, avec un physique pas trop fin, par choix, mais aussi parce que le standard du whippet débute comme suit « équilibre de la puissance musculaire et de la force alliée à l’élégance et la grâce des lignes« . Le whippet est un chien puissant, mais il doit rester élégant.

Il m’a fallu des années pour arriver à obtenir une homogénéité dans le physique des chiens qui naissent chez moi, et bien entendu ce travail est toujours en cours. C’est le hasard des rencontres et des coups de pouces de certains grands noms de l’élevage (je pense notamment à Jackie Bourdin, fondratrice de l’élevage du Manoir de la Grenouillère et à Vicki Thompson, que je remercie énormément) qui m’ont permi de progresser dans ce travail de séléction sur le physique. Parce que, pour progresser, il faut se « faire l’oeil », et comprendre ce qui est attendu. Et il est très difficile pour un éleveur débutant d’apprendre à voir ce qui est recherché : cela m’a pris des années et sans ces personnes je ne serai pas là où je suis aujourd’hui.

Une fois qu’on voit ce qui est attendu et recherché, il reste à l’atteindre ! C’est un autre challenge, et il me faudra encore du temps pour atteindre mon idéal, si tenté qu’il soit atteint un jour !

Ce travail de séléction est donc toujours présent dans mes projets, c’est probablement la partie la plus stimulante de la séléction que je fais. Lorsque les chiots naissent, il y a toujours ce moment d’excitation où l’on découvre chaque bébé en espérant en voir un qui réunit toutes les qualités que l’on recherche ! Si ce petit challenge interne n’existait plus, alors je pense que j’arrêterai l’élevage. Faire naître des chiots sans aucun objectif de progression sur ce point rendrait l’élevage très terne à mes yeux.

La séléction sur le caractère …

En débutant l’élevage, j’ai donc cherché à acheter des chiens avec un physique que je trouvais « parfait » à l’époque, et pour cela j’ai acheté des chiens dans différents élevages. Chacun de ces chiens présentait, bien évidemment, une personnalité unique.

Mais c’est aussi comme cela que j’ai découvert tout l’éleventail de personnalité que l’on peut trouver chez le whippet. Le premier mâle reproducteur que j’ai acheté (adulte) était très très peureux : j’ai rapidement compris qu’il ne pourrait pas continuer à reproduire chez moi car je pensais que son caractère avait en partie une origine génétique.

Pour le second mâle, j’ai cherché un chien plus sûr de lui, bien entendu, et le chien que j’ai acceuillis était en réalité très dominant et bagarreur. C’était un amour avec l’Homme, mais il était très difficile de le garder en meute car des bagarres éclataient régulièrement. Comme il attaquait souvent le 3ème mâle que j’ai fini par acheter, j’ai décidé de le castrer et de le confier à une famille. Ce fût un choix difficile, car par ailleurs, sur le plan de la santé et du physique c’était un très bon chien. Mais je me revois encore au téléphone avec une éleveuse aguérie qui m’a dit « tu sais, le standard d’une race ce n’est pas que le physique, c’est aussi certaines caractéristiques comportementales, et le whippet n’est pas un chien dominant ». Et elle avait raison, je le savais au fond de moi, donc j’ai pris la décision qu’il fallait prendre.

Et ainsi de suite, j’ai été confrontée à d’autres chiens parfois trop dominants ou bagarreurs, parfois trop craintifs, parfois trop sensibles et anxieux etc. J’ai notamment pris la décision de retraiter une chienne qui était trop anxieuse pour rester seule avec ses chiots. Elle aurait voulu élever ses chiots sur le canapé du salon je pense, mais cela révelait au fond un soucis d’anxiété liée à la séparation avec l’Homme. J’ai aussi décidé de ne jamais reproduire certaines chiennes que je trouvais trop sensibles / anxieuses.

J’ai également eu une lignée de chiens qui étaient très sages, très gentils avec tout le monde, mais qui n’étaient pas proches de l’Homme. Il m’a bien entendu fallu une ou deux générations pour comprendre que le côté « pas tactile » était génétique et qu’il fallait donc que je « redresse la barre » en faisant attention à éliminer ce caractère.

Au fil des ans, je me suis donc fait une idée précise du caractère idéal du whippet : un chien doux, très sociable avec tous ses congénères, joyeux mais pas nerveux, non anxieux, calme en intérieur, et surtout un chien proche de l’Homme.

Sur chaque portée naissent des chiots avec un éventail de personnalité. Parce que, vous l’imaginez bien, la séléction sur le caractère n’est pas quelque chose d’aisé. Deux parents totalement équlibrés peuvent donner naissance à un chiot craintif, à un autre chiot anxieux, à un chiot nerveux etc … Tout mon travail consiste à réussir à choisir le chiot le plus équilibré parmi ces chiots pour qu’il devienne un futur reproducteur. Et espérer ainsi qu’à force de ne reproduire que des chiens parfaitement équilibrés sur le plan comportemental j’obtiendrai que des chiots équilibrés également.

Là où les choses se complexifient, c’est que le chiot que je garde doit donc répondre à tous les critères physiques que je me suis fixée pour progresser sur l’apparence générale du chien, et doit aussi avoir un caractère équilibré ! Parfois tout n’est pas blanc ou noir, il faut faire des compromis, faire des choix !

La séléction sur la santé …

C’est le troisième volet qui s’est imposé à moi au fil des ans. Par chance, je n’ai jamais vraiment eu de problème de santé héréditaire qui « pose problème » dans mes lignées. Je n’oserai pas dire que tous les chiens nés chez moi ont tous été en parfaite santé : c’est impossible. Mais je n’ai jamais vu de patern avec des clients qui me rappellent systématiquement après avoir adopté sur telle ou telle lignée en me faisant part d’un même problème de santé.

Pour autant, je n’ai pas été épargnée sur ce point dans mon élevage de chats persans. Après presque 10 ans d’élevage, j’ai découvert qu’une de mes reproductrices était atteinte d’une anomalie génétique qui la faisait souffrir. De nature curieuse, j’ai cherché si cette anomalie était présente chez mes autres chats, et j’ai découvert que plusieurs reproducteurs étaient atteints. Cette nouvelle a bouleversé tout mon travail et a conduit, à court terme, à l’arrêt de mon élevage de chats. Ce n’était pas la seule raison, mais disons que cette nouvelle m’a découragée car je venais aussi de passer des années à séléctionner sur le physique et le caractère. Il aurait fallu tout recommencer à zero en repartant avec de nouveaux reproducteurs sains vis à vis de cette anomalie génétique, alors que cette anomalie, pourtant a priori fréquente dans la race, n’est jamais testée par les éleveurs. Bref, c’était mission impossible à mes yeux, donc j’ai préféré arrêter plutot que de propager des problèmes de santé dans la race.

Et cette expérience vécue m’a fait me questionner sur mon élevage de whippets : et si c’était pareil ? et si je véhiculais sans le savoir des problèmes de santé dans mes lignées qui pourraient, tôt ou tard, poser problème ?

J’ai donc décidé d’affronter le problème, et de mettre en place des tests de santé. Pourtant, officiellement en France, la Société Centrale Canine et le club de race considèrent que le whippet n’est prédisposé à aucune maladie en particulier et ne poussent donc pas à faire des tests de santé.

Mais lorsque l’on traverse les frontières et que l’on regarde ce qui se passe ailleurs, on découvre que dans les pays voisins les éleveurs sont encouragés à rechercher certaines maladies occulaires, cardiaques et osseuses.

Initier des tests de santé vis à vis de ces maladies a soulevé de nombreux points d’interrogations / problèmes :

  • la question du coût : certains tests coutent 100 euros, d’autres plusieurs centaines d’euros et lorsque l’on a une 15 aine de chiens dans l’élevage comme c’est mon cas, il s’agit d’emblée d’un investissement de plusieurs milliers d’euros ! Alors j’ai décidé d’y aller par étape, de commencer par les maladies les plus graves, et d’élargir petit à petit aux autres maladies. En 2 ou 3 ans j’ai réussi à tester tout le monde contre toutes les maladies que je m’étais fixée de surveiller ! J’ai aussi augmenté le prix des chiots pour financer ces tests, mais j’estime que c’est une cause d’augmentation du prix qui est légitime !
  • la question des résultats : chercher, c’est prendre le risque de trouver quelque chose ! Je me suis bien entendu demander comment je réagirai si des lignées que je travaillais depuis 10 ans se révelaient atteintes de maladies héréditaires … Il faut imaginer que ce sont des nouvelles émotionnellement dures à gérer !
  • la question de la réputation : d’une part, je ne me suis pas fait des amis auprès des autres éleveurs, qui ne voient pas d’un très bon oeil que je remette en question l’image du whippet « sain de toute maladie » ; d’autre part je savais que je prenais le risque d’être pointée du doigt si un chien venait à être retiré de la reproduction pour cause de test positif. Parce qu’autant personne ne veut tester (mieux vaut ne pas savoir !!!), autant tout le monde est là pour parler du chien revenu positif à un test et retiré de la reproduction, d’autant plus si ce chien porte mon affixe !

Et bien tant pis ! Quand j’ai une idée dans la tête, je ne l’ai pas ailleurs, et surtout je déteste avancer en terrain inconnu sans savoir ce qui va me tomber dessus. Donc j’ai décidé d’affronter le problème et de prendre les nouvelles les unes après les autres.

Comme tout n’est jamais tout rose, certains tests sont revenus positifs, des anomalies ont été trouvées, et me conduisent donc à revoir mes projets d’élevage, à dire adieu à certains mariages que j’avais prévu et même à retraiter certains chiens. Je reste malgré tout discrète sur ces cas positifs simplement parce que je ne veux pas être responsable du dénigrement de certaines lignées. Mon objectif n’est pas et ne sera jamais de pointer du doigt des affixes ou des lignées. Mon objectif est uniquement de tendre vers des lignées les plus saines possibles sur le plan de la santé !

Cependant, pour travailler dans l’intéret de la race, j’ai décidé de me présenter aux éléctions du comité du Club Francais du Whippet en 2024, en expliquant mon objectif de travailler sur la question de la santé chez le whippet. Et j’ai été élue, ce qui me permet de travailler avec l’équipe du comité à une façon intelligente de promouvoir certains tests de santé sans décourager les éleveurs et sans apauvrir le cheptel (c’est à dire, sans conduire à la stérilisation d’un trop grand nombre de reproducteurs, car il est important de garder une diversité génétique dans la race !). C’est un chantier qui prendra des années, je pense même que cela dépassera la durée de mon mandat, mais j’espère contribuer à une évolution dans l’intéret de la race.

La séléction sur les aptitudes au travail …

Il ne restait que ce point à évoquer ! Et sur ce plan vous allez sûrement être déçus parce que je suis tombée amoureuse du whippet pour toutes ses qualités qui en font un merveilleux chien de compagnie. Mais je n’ai jamais été passionnée par les courses de lévrier. J’adore regarder mes chiens faire la course entre eux lors de nos balades, mais cela s’arrête là. D’autre part, mon premier chien était un chien de chasse et j’ai passé suffisamment d’heures à le chercher dans la cambrousse quand il partait derrière une proie pour me jurer de ne jamais, ô grand jamais, dresser un chien à courrir derrière une proie !

Je ne fais pas de PVL ni de course en cynodrome, et j’évite à tout prix d’encourager mes chiens à chasser. C’est aussi grâce à cela que je peux continuer à les promener en meute sans craindre que la balade ne se transforme en chasse à court !